Surprise et rencontre
L’hypothèse existentielle en architecture
Cette thèse (disponible ici) propose de mettre à l’épreuve l’architecture par une question, peut-être la plus naïve, mais peut-être aussi la plus tue et pourtant la plus élémentaire de notre discipline : pourquoi y a-t-il de l’architecture plutôt que rien ? Qu’est-ce qui pousse les êtres humains à chérir, soigner, transformer, tracer, ménager de façon signifiante les territoires qu’ils habitent ? En quoi et pourquoi depuis toujours le plus simple abri, la plus simple assise, porte systématiquement plus que sa seule fonction ?
Héritage
Plus que de déborder sa fonction première, il s’agit ici de l’envers de l’architecture ou plutôt d’un de ses usages. Au Gerphau cet usage du monde traite de deux notions : habiter et exister. Deux gestes dont nous verrons qu’ils peuvent être similaires.
Cette recherche ré-interroge cet héritage en prenant l’hypothèse existentielle au sérieux afin de voir ce qu’elle engage et déplace en architecture aujourd’hui. Cela nous parait urgent parce que nous défendons l’hypothèse que réfléchir sur la richesse de nos existences est l’occasion d’un changement de paradigme. Celui-ci est à même de réinventer nos liens aux lieux et au monde afin de sortir de nos échecs profonds et multiples : échec écologique, échec social, échec politique, échec esthétique et éthique.
À travers cette thèse nous proposons une attitude qui lie le penser, l’éprouver et le faire – ou pour le dire autrement la théorie, l’expérience et la pratique. Celle-ci nous semble à même – et c’est peut-être la seule – d’envisager d’autres façons de nous installer qui privilégient une approche existentielle de l’architecture.
Hypothèse
La thèse porte donc sur la compréhension de ce qui se passe ici et maintenant et interroge la capacité de l’architecture – et des architectes – à créer l’hospitalité nécessaire aux conditions de possibilité de l’existence. En s’appuyant sur le couple surprise · rencontre, nous essayons de dire en quoi l’architecture peut être une ouverture existentielle.
Nous le verrons, la rencontre est la circonstance indispensable du toucher terre, de la co-existence entre un être et une oeuvre. Celle-ci est permise par une surprise, c’est-à-dire un moment de saisissement physique et spirituel nous ouvrant à la fois au monde et à nous même. Ces deux moments réclament une double attention : celle de celui ou celle qui souhaite faire acte d’architecture tout comme celle de celui ou celle en désir d’existence qui la parcoure.
Risques
En s’interrogeant sur le contexte de nos expériences spatiales, la thèse impose de considérer et embrasser l’infinité de nos milieux habités. De voir en celle-ci l’opportunité d’expériences spatiales renouvelées, riches et profondes réclamant d’accueillir et enrichir cet inconnu.
En rapprochant deux figures, John Dewey et Henri Maldiney, autour de la notion d’expérience, mais aussi à partir de récits de surprises et de rencontres, la thèse défend la quotidienneté de nos moments d’existence ou d’habitation. En décrivant la matière des rencontres entre les êtres et les lieux, nous réunissons des édifications d’époques, de styles, de contextes, de cultures variés au regard de leurs valeurs expérientielles. Ainsi nous souhaitons abroger la distinction entre vernaculaire et savant, ancien ou récent, modeste ou luxueux, disciplinaire ou extradisciplinaire.
Enfin, démontrant que l’architecture est toujours capable et en charge de nos existences, la thèse tente de faire émerger les possibilités d’accompagnement des ouvertures des lieux. Pour cela, elle propose des polarités d’attentions et met en charge l’architecture de ménager les conditions de possibilité de l’existence. Cela signifie d’une certaine manière d’être une architecture de l’égard ou du care.
Déplacement
En un sens, cela signifie que la thèse défend qu’il y a acte d’architecture – sans définir ce qu’est l’architecture, nous le savons, cela est impossible – lorsqu’il y a possibilité d’être. Ou pour le dire autrement, il n’y a jamais autant d’architecture qu’avec l’invitation à l’existence. Pour nous, faire acte d’architecture n’a rien à voir avec un diplôme ou une époque ; faire acte d’architecture est un geste, une manière d’être au monde.
Soutenue le 11 avril 2022 par Antoine Bégel
Direction : Xavier BONNAUD
Membres du jury : Céline BONICCO-DONATO, Grégoire CHELKOFF, Stéphanie DAVID, Simon TEYSSOU, Chris YOUNES