Lorsque que vous vous promenez dans une zone pavillonnaire, que vous visitez le logement d’un ami dans une nouvelle ZAC (zone d’aménagement concerté), ou que vous voyagez à travers le monde dans des hôtels d’une même chaîne, vous pouvez soudain être envahi d’un spleen, le même que vous pourriez ressentir à la troisième bouchée de votre Big Mac, celui d’un monde déserté de univers sans saveur. Toujours le même goût calibré, toujours les mêmes espaces, adieu surprise et émerveillement dans l’altérité. L’uniformisation des logements ne nous enferme-t-elle pas dans une répétition permanente ? Pourtant l’habitat en tant qu’environnement de notre quotidien nous accueille dans tous nos états d’être. Il a donc la charge de nous proposer l’hospitalité à même de créer un chez-soi ici et maintenant ; une possibilité d’habiter. Nous est-il possible alors d’imaginer une façon d’envisager le logement autrement, afin d’ouvrir d’autres possibles ?

L’habitat comme répétition d’un même

Qui a déjà travaillé en tant que maître d’œuvre sur des projets de logements a eu affaire aux programmes des différents bâilleurs et promoteurs. Ce qu’il aura pu y voir, c’est la similitude d’un grand nombre d’entre eux. Si nous prenons la taille par exemple, les T1 feront 28 mètres carrés, les T2 45 mètres carrés, les T3 64 mètres carrés, les T4 78 mètres carrés et les T5 92 mètres carrés. Les proportions de répartition de ces appartements seront de 5 %, 20 %, 45 %, 25 % et 5 % (Moyenne effectuée à partir des programmes respectifs des sociétés immobilières 3F, LMH, RSH, HMF, etc. pour des logements en location.). Une deuxième pièce d’eau apparaîtra dans les T4, un WC séparé à partir du T3, et les cuisines pourront être ouvertes sur le séjour jusqu’au T3 et permettront la mise en place de cinq éléments de cuisine, ni plus, ni moins. Les terrasses seront comprises entre 6 et 9 mètres carrés, de forme carrée si possible. Une séparation jour/nuit sera préférable, on tolérera une chambre commandée par le séjour dans le T5. Les largeurs de chambre seront de 2,50 mètres minimum, celle des séjours 3, 50 mètres. Les logements répondront aux normes d’accessibilité PMR (personnes à mobilité réduite) définissant quasiment les dimensions des pièces humides, chambres et entrée. Ils s’inscriront dans différentes chartes NF Habitat, Habitat et Environnement, HQE (haute qualité environnementale), BBC (bâtiment basse consommation) et respecteront la règlementation thermique 2012. Le ratio surface de plancher/surface habitable tendra vers 95 % ; les surfaces vitrées entre 16 % et 20 % ; le ratio de compacité sera le plus fort possible ; le facteur lumière jour sera calibré par pièce. Les sols des logements seront en carrelage au rez-de-chaussée et en PVC dans les étages. Le coût d’objectif sera de 1 350 euros/mètre carré, aménagements extérieurs compris.

Parallèlement à cette charte du logement type, notre société développe désormais une passion pour le « propre », valeur universelle aux contours flous. Le « propre » comme ce qui ne choquerait personne, ce qui serait acceptable par tous. Non pas ce qui est bien, mais ce qui reste dans un cadre commun établi. Rem Koolhass nous invite à penser ce basculement : « Comme substitut aux liberté, égalité, fraternité de la Révolution française, une nouvelle trinité universelle a été adoptée : confort, sécurité et durabilité » (D’Arienzo, Younès, Lapenna, Rollot, 2016, p. 93). De cette aspiration à une apparente stabilité découle une lassitude des choses, une uniformisation de nos espaces tant dans les matériaux que dans les ambiances. On bannira les matériaux naturels qui se patinent (bois, terre, pierre…) et on préférera ce qui ne supporte pas la trace (PVC, trespa, stratifié…). Nous essaierons de tendre vers un éclairage optimum, une température maîtrisée, une hygrométrie parfaite, un air aux mêmes compositions chimiques, une odeur équivalente. Une même ambiance partout et pour toujours.

Multiplicité des êtres

Cet état est bien évidemment caricatural, mais il révèle l’uniformisation d’un logement prévu pour des « citoyens types », auxquels on offre des « produits » normés. Comme si chacun d’entre nous avait les mêmes envies, les mêmes besoins. Les projets de logements ne proposent que très rarement des T6 ou T7, des logements avec de grandes terrasses, des grandes cuisines, un atelier, une pièce sans programme… Le « produit phare » est le T3 avec WC séparé, le minimum décent pour une famille est le T5 avec deux salles de bain (une suite si on a un peu d’argent), un WC, et une cuisine fermée séparée, et un salon qui permette l’installation de l’écran plat sans reflet. Cette normalisation du logement n’est pas capable de répondre à la diversité de nos situations : célibataire, en couple, en colocation, famille recomposée ou non, vieux, jeunes ; de nos cultures multiples et plus simplement de la diversité de nos différentes manières d’être au monde. À force, nous tendons vers un logement un habitat de concession qui conviendrait soi-disant à tous, mais qui finalement ne va à personne. La production du logement impose des comportements et des modes d’habitat standardisés au-delà de toute considération de notre diversité ; laquelle sera de moins en moins riche. Nous nous accommodons de ces appartements maisons  sans pouvoir réellement les habiter. Comme le constate Monique Eleb suite à ses recherches, les architectes sont « ligotés par ces injonctions réglementaires » et semblent donc être bon gré, mal gré, acteurs de cette production d’un logement peu qualitatif (Eleb, Monique, Entre confort désir et normes, le logement contemporain, CAUE du Gard, conférence du 30 avril 2015.).

Cette idée d’un logement type « bon pour tous » a animé le débat architectural, elle s’est ancrée aussi dans la déformation de certaines pensées. D’une certaine manière une « maison bonne pour Mme X devra être bonne pour M. Y ». En tant qu’être humain nous partageons tous des émotions et des besoins communs, cela ne signifie pas que nous répondrons de la même manière façon à une même sollicitation ; qu’une manière d’être au monde prévaudrait sur une autre. Cette quête de la « formule » qui nous lierait tous touche beaucoup d’autres champs de réflexion, tel que le design. Pour illustrer ces manières d’envisager le monde, nous pourrons prendre ici différents exemples de conception de chaise, en comparant notamment celles de Charles et Ray Eames par rapport à celles d’Ernan et Roan Bouroullec. Les Eames s’inscrivaient dans cette quête en déclarant que : « Les gens semblent très différents les uns des autres. Mais lorsqu’on les compare à d’autres espèces ou entités ‒ souris, éléphants, arbres, choses ‒, ils commencent à se ressembler de près. Trouver une solution générale satisfaisante semble alors se rapprocher du domaine du possible » (Côme, Pollet, 2016, p. 248). Si nous pouvons convenir que les Eames ont créé des chaises absolument confortables, il ne nous faudra pas oublier qu’elles pourront sembler plus ou moins adaptées selon les personnes. Car même si certaines caractéristiques ergonomiques peuvent être communes, notre taille, notre corpulence, notre sensibilité sont différentes. Au contraire, en nous racontant l’histoire de la chaise au travers des siècles et de son influence sur notre comportement en société, les frères Bouroullec nous invitent à penser l’appréciation de confort comme un fin mélange entre ergonomie, construction sociale et sensation propre. Ils nous rappellent entre autres qu’à une certaine époque une chaise considérée comme confortable était celle qui permettait de se tenir bien droit afin de répondre à ce que la société attendait de nous, en dépit des considérations ergonomiques. Souvenir d’une adolescence où les remontrances de se tenir droit venait du fait que les chaises d’école n’étaient pas appropriées à l’angle de repose nécessaire au repos d’un corps fortement sollicité à cette époque de la vie. « On n’apprend pas à s’asseoir ni à ouvrir une porte : le confort tient à ces savoirs innés, qui ressortent de la tradition, de la morale, du réflexe » (ibid., p. 264). À partir de cette pensée, les frères Bouroullec semblent développer une pratique particulière. Une pratique qui tente de répondre à cette diversité, à son évolution possible par des objets qui proposent plutôt qu’ils n’imposent. « Une des fonctions du design, qui peut être difficile à formuler ou à accepter, c’est d’offrir des choix, sans qu’il y ait d’autres raisons que le choix lui-même » (ibid., p. 268).

Au-delà du simple abri

Quelque chose de tel est possible aussi en architecture. Il nous est envisageable d’imaginer des lieux qui proposent des nuances différentes d’hospitalité répondant à la diversité des êtres, même plus encore, il est possible d’imaginer des lieux ouverts à une multitude de toucher terre en devenir. Pour cela, il nous faut d’abord prendre la mesure de ce qui est en jeu dans cette répétition d’espaces identiques. Ce qui semble le plus dérangeant dans ces codes est qu’ils ne disent rien de la qualité future des logements, du modèle d’habitat qui sera proposé, de ce que nous transmettrons aux habitants à venir et à leurs descendants, de ce que nous apportons aux milieux dans lesquels nous nous inscrivons. Plus qu’une uniformisation, c’est une occupation des débats, des réflexions, des énergies sur des critères arbitraires. Afin de repenser ce mode de production de la ville qui ne me semble pas qualitatif, je souhaiterais essayer d’imaginer un autre possible. Par la richesses de nos situations, de nos cultures multiples et plus simplement de nos différentes manières d’être au monde, il me semble essentiel de pouvoir imaginer une diversité d’habitat proposant une multitude de nuances où chacun pourrait trouver une place. Dans son abécédaire, Deleuze nous indique que ce qui peut être le pire pour nous : être laissés dans un « état de loque » (Deleuze, 1988). Et c’est finalement ce à quoi nous amène cette répétition, cet état d’endormissement où tout est fait pour nous laisser à nous même en dehors du monde. Le pavillonnaire par exemple, vendu comme le produit que tous les Français souhaitent, le seul habitat qui vaille la peine d’être vécu. Mais qui passe ses journées en France ou à l’étranger pour humer la qualité de ces lieux (mis à part quelques architectes ou urbanistes en quête de compréhension de la ville actuelle) ? On en vient à se demander si ces espaces valent en fait la peine d’être vécus ; en tout cas ils me semblent en deçà de ce qu’ils pourraient être. Si l’architecture est l’expression de la culture, alors dans ces lieux la culture a disparu. Les mots de Maldiney sonnent ici comme un appel : « ce qui manque dans une architecture impropre, désertée de sa raison d’être, c’est ce qui est révélateur de l’existence dans la surprise, c’est l’étonnement d’être, qui coïncide toujours avec un événement transformateur » (Younès, Paquot, 2000, p. 19). Plus que tout autre lieu, l’habitat se doit d’être une ouverture à l’habiter. L’habiter étant ce moment d’harmonie, de jointage, comme nous invite à le penser Thierry Paquot, : il nécessite une rencontre (Paquot, 2005, p. 160). C’est parce qu’il y a rencontre qu’il peut y avoir harmonie. Il s’agit ici d’une réelle rencontre, d’un moment de coexistence entre un être et un lieu, une projection dans l’Ouvert. Ainsi penser un habitat, c’est porter la responsabilité de créer un lieu qui a la charge de nous conduire vers l’habiter.

Nous l’espérons, un logement restera peut-être cent, trois cents ou mille ans debout ! Il servira ainsi à une multitude de générations. Si nous espérons qu’il dure aussi longtemps, c’est parce qu’il nécessite une énergie humaine et technique considérable pour sa réalisation, qu’il est une sorte de don aux futures générations. Il nous faut être réalistes aujourd’hui quand un bâtiment sort de terre : des êtres humains usent leur santé, meurent parfois sur un chantier. Parallèlement, il nous faut abattre des arbres, creuser des carrières, brûler du pétrole. Construire n’est pas un acte sans conséquence et sans coût. Ceci implique donc la responsabilité de créer un lieu réel d’habitation et la nécessaire ouverture aux différentes manières d’habiter. En effet, si un logement a pour mission d’accueillir différentes générations d’habitants à différentes périodes historiques, il devra être capable d’offrir un lieu d’habitation à chacun. Ainsi, dès sa conception, il nous faudra être attentifs aux corps qui vont l’habiter, tout en gardant à l’esprit que le premier commanditaire ne sera pas le seul et unique habitant des lieux. Nous revenons donc sur cette différence entre un logement universel et un logement personnel. Nous ne pouvons deviner comment nous vivrons dans cinquante ou cent ans, quels seront nos modes de vie ou nos besoins. Cependant nous pouvons partir de l’hypothèse que certains besoins existeront toujours, car ils persistent dans l’histoire et que nous ne serons toujours pas tous identiques. Il nous faut donc concevoir des lieux d’habitation qui répondent à une certaine universalité, et en même temps, proposent diverses spécificités qui toucheront plus l’un ou l’autre, avec une ouverture à des appropriations possibles.

Détournement des normes

Malgré un contexte peu favorable, il existe bien évidemment un grand nombre d’architectes qui tentent par leur engagement de proposer des logements de qualité au-delà des normes et habitus. Le décalage avec le logement type du marché peut être plus ou moins fort. Certains architectes tentent d’infléchir ces règles et normes en les tordant ou par une rigueur dans le dessin du logement ou en proposant un peu d’air au logement. C’est ce qu’indique Monique Eleb à propos des espaces extérieurs : « c’est en traitant de manière très subtile le rapport entre intérieur et extérieur, entre dedans et dehors, que les architectes vont proposer un plaisir. Parce qu’il faut bien proposer un plaisir à l’habitant quand on est dans des surfaces très réduites (Eleb Monique, Entre confort désir et normes, le logement contemporain, CAUE du Gard, conférence du 30 avril 2015). » Nous pouvons par exemple citer l’agence Harari qui tente dans ses projets de proposer, dans le cadre français, des logements de qualité. Certains architectes proposent par exemple des innovations typologiques, comme l’idée d’une pièce en plus ; une pièce qui pourra être la chambre de votre enfant pendant un temps, le bureau de la voisine après, l’atelier d’un autre voisin plus tard. D’autres innovent en se décalant du marché par des montages de projets reposant sur la présence des futurs habitants. C’est le cas des coopératives d’habitants dont de très riches exemples en Suisse et en Allemagne ont pu proposer d’autres manières de vivre ensemble, créer de nouvelles typologies de logement. Je pense ici particulièrement à l’exemple du Kraftwerk (Coopérative d’habitants Kraftwerk, Zurich, fondateur Martin Blum, Andreas Hofer et P.m) où une approche à partir des seuils d’intimité et du partage a permis de proposer de nouvelles manières d’habiter ensemble et a été le laboratoire de typologie inédite comme un 300 mètres carrés conçu pour vivre à 12 personnes. Ce type de logement permet à ceux qui ont fait le choix de vivre avec d’autres de partager de l’espace et de vivre cohabiter avec des personnes d’âges, de classes sociales, de situations différentes afin que chacun ait sa place (Didelon, 2013). D’autres sortent complètement des codes habituels. Nous avons pu en avoir l’exemple avec l’agence Elemental qui lors de la Biennale d’architecture de Venise et sa nomination au Pritzker Price, inondait le monde de l’architecture avec son travail sur les logements minimaux. L’apport à la recherche sur le logement résidait ici dans la réflexion sur la livraison d’une cellule d’habitation minimale qui pourra évoluer par la suite sous l’action des habitants eux-mêmes. Fournir un logement minimum plutôt que rien, accepter en tant qu’architecte de ne pas tout maîtriser. 

Pourtant, ces pratiques ne sont pas nécessairement une réussite. Certains logements de l’agence Elemental ont été critiqués, à juste titre, pour leur faiblesse spatiale ou d’usage. Des exemples d’habitat participatif ont généré des logements avec les mêmes travers que les ceux promoteurs « classiques ». C’est le cas du projet « village vertical » à Villeurbanne (Le Village vertical, Villeurbanne, coopérative habitante, assisté de Habicoop et Rhône Saône Habitat, architecte Marine Morain (Arbor et Sens), 2013.). S’il semble à l’origine offrir un lieu d’échanges pour ces habitants, il est tombé dans les mêmes des habitus identiques que le logement type standard. Certes, il propose des espaces communs (assez faibles), mais les appartements ressemblent peu ou prou au logement type évoqué plus haut. Le même sol carrelé, des matériaux peu pérennes, les mêmes types de plans, aucune réelle richesse spatiale ou d’implantation urbaine ou encore de composition de façade. Malgré l’énorme énergie humaine demandée (temporalité et investissement personnel), le grand effort de la collectivité (financier et d’assistance) ; ce projet ne semble pas avoir réussi à créer un réel lieu d’expérience. Ces différentes pratiques, même si elles ne sont pas toujours satisfaisantes, nous invitent à penser au-delà de notre manière actuelle de faire du logement.

Penser autrement 

Il nous semble qu’un des problèmes de la production des logements est qu’elle repose sur des critères qui ne disent rien de sa future qualité ; ils sont éloignés de ce qui fait l’essence de l’expérience architecturale et de ce qu’est habiter. Ils tentent tout au plus de garantir un minimum de décence face aux marchands de sommeil et sont majoritairement liés à une logique d’investissement, de calcul des risques face à une étude de marché stérile. Pourtant en prenant en compte nos diversités d’être, la diversité de nos besoins, les possibles émotions que susciteront les lieux, il nous est possible de nous pouvons renouveler les bases du logement. Nous ne tenterons pas de définir ici de nouveaux critères pour juger d’un « bon logement », cela serait vain, contre l’idée même d’une diversité possible. Cet article ne propose pas de solution ou de manière de faire. Nous avons simplement tenté de nommer une situation afin de prendre conscience des possibilités qui s’offrent à nous. Il nous est possible d’énumérer des causes allant à l’encontre de l’émergence de logements des habitations de qualité : les différentes normes qui contraignent en dépit du bon sens, la non-prise en compte de l’énergie totale liée à la construction d’un bâtiment (de la fabrication des matériaux au temps de vie de l’édifice), l’oubli de la qualité architecturale, le mode de déclenchement des prêts bancaires, une publicité doctrinaire et orientée prônant un logement type… Cependant il nous est impossible de définir une méthode ou un nouveau paradigme qui permettrait de produire à coup sûr un bon habitat. Nous ne prétendons pas définir ou embrasser toutes les manières de penser le logement. Les architectes peuvent faire preuve d’une grande inventivité pour la création de lieux offrant des hospitalités particulières lorsqu’il s’agit de bâtiments publics ou des commandes exceptionnelles. L’histoire de l’architecture regorge de ces lieux riches ; la transposition dans le logement collectif ne s’opère pas. La commande publique constitue encore un contexte surement plus favorable à des expérimentations. Pourtant, nous le sommes convaincu, les logements collectifs et l’habitat en général doivent pouvoir offrir de réels lieux d’expériences. Ainsi nous souhaitons ici lancer un appel à la prise de risques lors de la conception des logements pour que d’autres lieux plus libres et ouverts puissent voir le jour. Ce qui est fondamental c’est d’ouvrir les possibles afin que chacun puisse proposer différents critères pour différentes situations d’habitat. Faisons que ce qui prime soit l’attention aux futurs habitants afin de proposer d’imaginer les conditions d’un possibles habiter.

Oublions un instant les normes, le dimensionnement minimum, les préjugés… Imaginons par exemple un immeuble de logements à partir de la richesse du rythme spatial qu’il offre. L’ensemble des logements, leurs imbrications et les escaliers les desservant, servirait à créer un lieu d’épanouissement. Sur un site précis, inscrit dans son milieu, ce lieu pourrait proposer une structure définissant la trame de base d’un rythme qui évoluera par la place ménagée à l’appropriation des futurs habitants. Un lieu où l’on ne cherche pas ce que l’on connaît déjà, mais un lieu qui nous invite à prendre part au monde. Vous y trouverez des espaces communs baignés de lumière, des plis faisant l’éloge de l’ombre, des logements aux dimensions libres, des espaces lumineux, d’autres plus sombres, des zones à forte résonance, d’autres où les bruits s’estompent, des pièces aux proportions différentes, peut-être même des balcons qui donnent sur une salle de bain, une pièce pour tous, une fenêtre qui regarde un mur, une odeur qui devient plus persistante… mille accroches d’où pourront partir vos rêves. Vous y trouverez surtout ce que nous ne pouvons encore imaginer, l’altérité qui vous pousse en avant. 

Ces utopies ne suffisent pas. Même si elles pourraient permettre des habitats plus riches, il nous faudra encore pousser plus loin. Pour que ces lieux en devenir soient de réelles ouvertures à l’habiter nous permettant afin de toucher terre ici et maintenant, pour qu’elles soient une projection dans l’Ouvert, il nous faudra dépasser le seul humain et penser imaginer ces habitats dans leur capacité à prendre corps au sein d’un milieu composé d’humains et non-humains, de minéral et de végétal, de flux et de statique… bref, il nous faudra penser des lieux d’hospitalité dans et pour le monde.

Habitats Multiples

PUBLICATION
Repenser l'habitat, Alternatives et propositions
AUTEURS
Florian Guérant, Mathias Rollot "dir"
CONTRIBUTEUR
Antoine Bégel
Date
2018